Entre dentisterie restauratrice, maladies rares, ingénierie tissulaire et IA, un parcours au croisement du soin, de la recherche et de la pédagogie.

Dr Olivia Kerouredan
C’est d’abord l’envie de transmettre qui m’a menée vers une carrière hospitalo-universitaire. Très vite, j’y ai découvert bien plus qu’un métier : une vocation à multiples facettes, entre accompagnement des étudiants, soins aux patients et exploration de nouveaux horizons scientifiques. Mon quotidien se partage aujourd’hui entre l’enseignement de la dentisterie restauratrice, la prise en charge de patients atteints de maladies rares, et des projets de recherche en ingénierie tissulaire et intelligence artificielle. À la croisée de la médecine, des sciences, et de l’humain, j’ai trouvé un équilibre exigeant mais profondément stimulant, celui d’un métier en perpétuelle évolution, nourri par la rencontre entre les disciplines et les personnes.
De la vocation pédagogique à un parcours hospitalo-universitaire structuré
A l’issue d’un cursus de formation initiale au sein de l’UFR d’Odontologie de Rennes, j’ai obtenu mon diplôme de Docteur en Chirurgie Dentaire en 2011. Mes premières années d’exercice ont été partagées entre le cabinet libéral et une activité d’attachée hospitalière au CHU de Rennes, me permettant de consolider mes compétences cliniques tout en mûrissant une réflexion sur le sens que je souhaitais donner à ma carrière. Très tôt, c’est la dimension pédagogique qui m’a attirée : le plaisir de transmettre, d’accompagner les étudiants dans leur progression, et de construire des savoirs partagés.
Mon déménagement à Bordeaux a marqué un tournant structurant. Reçue au concours d’assistante hospitalo-universitaire en Odontologie en 2014, j’ai intégré la section 58 – discipline « Dentisterie Restauratrice et Endodontie » à l’UFR des Sciences Odontologiques de Bordeaux. Dans le cadre du cursus requis pour accéder à une carrière hospitalo-universitaire à plus long terme, j’ai intégré le Master 2 « Biologie Cellulaire, Physiologie, Pathologie » à l’Université Paris 13, avant d’engager une thèse de Doctorat d’Université au sein du laboratoire BioTis (UMR 1026, INSERM/Université de Bordeaux), sous la direction de mon collègue le Pr Raphaël Devillard.
Ce parcours académique m’a ainsi permis de compléter ma formation dans une logique de continuité, en conjuguant mes engagements cliniques, pédagogiques et scientifiques. C’est cette transversalité, entre soin, formation et recherche, qui structure encore aujourd’hui mon quotidien hospitalo-universitaire.
Médecine bucco-dentaire : enseigner, soigner et collaborer en milieu hospitalier
Au sein du Service de Médecine Bucco-Dentaire du CHU de Bordeaux, j’assure une mission de soins ainsi que l’encadrement des étudiants externes et internes. Cette activité me permet d’accompagner les étudiants dans leur progression vers l’autonomie, en les guidant dans l’acquisition de compétences techniques, mais aussi dans le développement d’une posture professionnelle complète, alliant rigueur clinique, réflexion médicale, sens des responsabilités et dimension humaine de la relation de soin.
C’est dans le cadre des consultations pluridisciplinaires des Centres de Compétence Maladies Rares (CCMR) Maladies Osseuses Constitutionnelles (MOC) et Anomalies du métabolisme du Calcium et du Phosphate (CaP), au sein du Service de Rhumatologie, que j’ai progressivement élargi mon activité au diagnostic et à la prise en charge de patients atteints de maladies rares de l’os et du cartilage à retentissement bucco-dentaire (Figure 1). Ces consultations, menées aux côtés de rhumatologues, généticiens, médecins de rééducation, néphrologues et/ou pneumologues, m’ont permis d’appréhender l’importance d’une approche transversale et concertée, au plus près des besoins médicaux des patients.

Figure 1. Equipe pluri-disciplinaire du CCMR MOC Nouvelle Aquitaine – CHU de Bordeaux (Médecin coordonnateur : Dr. Julien Van Gils)
Afin de consolider ces compétences, j’ai suivi le Diplôme Universitaire de Maladies Osseuses Constitutionnelles à l’Hôpital Necker (Paris), dirigé par le Pr Valérie Cormier-Daire. Cette formation m’a apporté des connaissances approfondies en physiopathologie, diagnostic et prise en charge de ces maladies rares, renforçant mon rôle dans les parcours de soins coordonnés.
Cette activité de consultation pluri-disciplinaire au sein des CCMR a permis de nouer des collaborations étroites avec le Service de Rhumatologie. Dans ce cadre, j’assure également une activité de consultation hebdomadaire au sein du service pour les patients des filières ostéoporose, sclérodermie systémique et Gougerot-Sjögren.
En parallèle, j’ai rejoint le Centre de Compétence O-Rares (Maladies Rares Orales et dentaires) du Service de Médecine Bucco-Dentaire, où j’assure des consultations en dentisterie restauratrice pour les patients adultes présentant des anomalies dentaires nécessitant une prise en charge spécialisée.
Ce parcours témoigne de la richesse du métier de chirurgien-dentiste, qui dépasse largement la seule sphère dentaire. Inscrite dans une prise en charge coordonnée du patient, cette activité s’enrichit des échanges entre disciplines et s’inscrit pleinement dans les dynamiques hospitalières au service des parcours de santé.
Une recherche pluridisciplinaire au cœur de la bioimpression et de la médecine régénérative
Mes travaux de recherche s’ancrent dans le champ de la médecine régénérative, à l’interface entre l’ingénierie tissulaire osseuse et vasculaire et les technologies avancées de biofabrication. Je me suis progressivement spécialisée dans la bioimpression assistée par laser, une technique de bioimpression de haute résolution, qui permet l’organisation spatiale contrôlée de cellules et de biomatériaux pour la reconstruction de tissus vivants. Ce domaine est caractérisé par sa pluridisciplinarité, mobilisant des compétences croisées en biologie cellulaire, ingénierie, optique et laser, science des matériaux, mais aussi en modélisation et en clinique translationnelle.
Ma thèse de Doctorat, menée au sein du laboratoire BioTis portait sur l’impact d’une pré-vascularisation organisée par bioimpression assistée par laser sur la régénération osseuse (Figure 2). Ces travaux ont permis de démontrer l’intérêt d’une organisation spatiale maîtrisée des cellules pour favoriser la vascularisation et la régénération osseuse. Ces résultats ont ouvert la voie à de nouveaux projets de recherche et à l’encadrement de nombreux étudiants de Master et de Doctorants en Science, contribuant à structurer un axe fort de recherche au sein de l’unité.

Figure 2. Technologie de bioimpression assistée par laser. Station de bioimpression laser (à gauche) ; Illustration schématique du principe de bioimpression assistée par laser (au centre) ; Exemple de motifs cellulaires imprimés pour l’obtention de réseaux microvasculaires organisés (à droite).
L’approche que nous développons au sein de l’équipe repose en particulier sur le concept de bioimpression in situ, avec l’ambition de proposer des stratégies thérapeutiques personnalisées par impression des cellules et/ou biomatériaux directement au niveau du défaut osseux. Ce positionnement nous a également conduit, en collaboration avec l’équipe d’ORL du CHU de Bordeaux, à dépasser les frontières de l’odontologie pour concevoir un dispositif médical innovant destiné à la délivrance ciblée d’agents thérapeutiques dans l’oreille interne. Ce projet, aujourd’hui au cœur d’une thèse CIFRE, a donné lieu à un dépôt de brevet.
Ce travail en bioimpression s’inscrit dans une dynamique fortement collaborative, à l’échelle locale, nationale mais aussi internationale. Il m’a notamment permis de réaliser une mobilité de recherche d’un an au Japon, au sein du laboratoire du Pr. Yasuhiko Tabata (Kyoto University), en collaboration avec les Dr Ayako Washio et Pr. Chiaki Kitamura (Kyushu Dental University) marquant une étape scientifique et humaine majeure dans mon parcours. Ce séjour m’a permis de créer des liens franco-japonais forts autour de ma thématique de recherche et a débouché sur de nouveaux projets et partenariats scientifiques, à la fois en recherche mais aussi en pédagogie et en clinique.
L’internationalisation, la transdisciplinarité et l’ancrage clinique sont les piliers de cette recherche, que je m’attache à développer au service d’une médecine de précision et personnalisée.
Enseigner et accompagner les transformations pédagogiques
Depuis 2019, j’assure la responsabilité du Département de Dentisterie Restauratrice et Endodontie de l’UFR des Sciences Odontologiques de Bordeaux, et depuis 2025 je reprends progressivement les fonctions de directrice adjointe à la pédagogie, aux côtés de notre directeur d’UFR le Pr. Jean-Christophe Fricain. À ce titre, je participe à la coordination des enseignements, à l’accompagnement des étudiants dans leur formation et leur professionnalisation, ainsi qu’à la mise en œuvre des réformes pédagogiques au sein de l’UFR.
Mon engagement s’étend à l’échelle nationale, à travers mes fonctions au sein du Bureau du Collège National des Enseignants en Odontologie Conservatrice (CNEOC) et du Conseil National des Universités (CNU, section 58). Ces missions me permettent de contribuer à la mutualisation des outils d’enseignement, à la réflexion collective sur les trajectoires de formation initiale et spécialisée, mais aussi sur l’attractivité de carrières hospitalo-universitaires.
Soucieuse d’ouvrir les pratiques pédagogiques aux outils du numérique et aux nouvelles approches d’apprentissage, je m’investis dans le développement de formats hybrides et interactifs, et co-pilote un groupe de travail dédié au Numérique au sein de l’UFR. Par ailleurs, j’ai intégré en 2025 un groupe de réflexion autour de l’IA & Pédagogie au sein du Collège Santé de l’Université de Bordeaux, en lien avec les autres composantes de santé. En parallèle, je participe à des projets nationaux pilotés par le CNEOC autour de l’intégration de l’IA dans les apprentissages et l’évaluation en Dentisterie Restauratrice & Endodontie.
Un métier pluriel, entre transmission et coopération
Ce qui donne du sens à mon métier, ce sont les liens qu’il permet de construire : avec les patients, à travers une relation de soin attentive et individualisée ; avec les étudiants, dont les questionnements nourrissent la réflexion pédagogique ; et avec les équipes hospitalières et universitaires, dans un esprit de travail collaboratif.
Être hospitalo-universitaire, c’est exercer une fonction à multiples dimensions _ clinique, pédagogique et scientifique _ qui exige rigueur, disponibilité et capacité d’adaptation. C’est aussi s’inscrire dans une dynamique collective, où l’évolution de notre discipline repose autant sur la transmission que sur l’innovation partagée.
Olivia Kérourédan
Maître de Conférences des Universités – Praticien Hospitalier
Directrice adjointe à la pédagogie
Responsable de la discipline « Dentisterie Restauratrice & Endodontie »
UFR des Sciences Odontologiques, Université de Bordeaux
Service de Médecine Bucco-dentaire, CHU de Bordeaux
CCMR MOC, CaP et O-Rares, CHU de Bordeaux
UMR 1026 BioTis, INSERM/Université de Bordeaux

https://www.linkedin.com/in/olivia-kérourédan-663b528a/




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