En débutant ses études à l’École Normale Supérieure de Paris, Isabelle Dupin les prolonge par un parcours académique exemplaire en poursuivant son cursus en doctorat à l’Institut Pasteur, puis en post-doctorat à l’Institut Interdisciplinaire de Neurosciences de Bordeaux.
En 2013, elle intègre le Centre de Recherche Cardio-Thoracique de Bordeaux (CRCTB, U1045 INSERM) et obtient un poste de maître de conférences en 2014, puis de professeure en physiologie en 2021, au sein du Collège des sciences de la santé.
Outre ses activités d’enseignement en physiologie et en biologie cellulaire, Isabelle Dupin a entrepris la mise en place de l’École Santé Sciences du Collège Santé à l’université de Bordeaux en collaboration avec le Pr Marie-Edith Lafon et le Dr Thomas Bienvenu. Ce parcours destiné aux étudiant.es en santé a pour objectif de les former à la recherche sur le modèle de l’École de l’Inserm Liliane Bettencourt.
Parallèlement, elle dirige un groupe de recherche travaillant sur les maladies chroniques respiratoires, et coordonne un projet de l’Agence nationale de la recherche Jeune chercheur Jeune chercheuse ayant pour objet le développement de nouveaux modèles tridimensionnels pulmonaires, en partenariat avec des équipes en biophysique/chimie et mathématiques.
Récemment nommée membre junior au titre de la chaire fondamentale à l’Institut universitaire de France, l’enseignante-chercheuse pourra ainsi se consacrer à la recherche. Son projet, détaillé plus bas, vise en particulier à développer des modèles 3D in vitro de poumon pour améliorer la compréhension de la Broncho Pneumopathie Chronique Obstructive, dans l’ambition à plus long terme de découvrir et d’expérimenter de nouvelles stratégies thérapeutiques pour les maladies respiratoires chroniques.
Les organoïdes, un outil puissant pour les études pré-cliniques
Les tests pré-cliniques de nouveaux médicaments peuvent conduire à un essai clinique chez l’homme. Ils sont quasiment systématiquement réalisés en ayant recours à des modèles animaux ou en utilisant des cellules humaines cultivées dans des boites de Pétri, en 2 dimensions. Cependant, on sait maintenant que ces tests prédisent assez mal une réponse thérapeutique chez l’homme. Ceci est dû au fait que la biologie des modèles animaux utilisés, souvent les rongeurs, n’est pas exactement identique à celle de l’homme. Quant aux modèles cellulaires classiques, il est maintenant bien documenté que la rigidité et bidimensionnalité du substrat sur lequel les cellules sont cultivées modifient fortement la réponse cellulaire (Table).
Dans ce contexte, les modèles organoïdes qui sont en pleine expansion, apparaissent comme une alternative prometteuse. Mais à quoi correspondent-ils exactement ? Un organoïde est constitué de cellules souches que l’on cultive dans une matrice biologique. Du fait de leurs propriétés d’auto-organisation et de différentiation, ces cellules s’organisent en 3 dimensions, avec une structure et une fonction qui miment celles de l’organe d’origine (Table). Actuellement, il existe des organoïdes intestinaux, rénaux, cérébraux … et même de glandes lacrymales !
Et coté poumon, ça donne quoi ?
Depuis quelques années, il existe des organoïdes pulmonaires, qui sont dérivés principalement à partir de cellules épithéliales souches, soit bronchiques, soit alvéolaires (2). Ces modèles se sont révélés particulièrement utiles pour modéliser la mucoviscidose : en utilisant des cellules souches pluripotentes induites (iPSCs) de patients, on peut construire des modèles 3D in vitro, qui peuvent prédire la réponse aux thérapeutiques actuelles (3). Ceci ouvre grand la porte à une médecine personnalisée.
Ces modèles présentent néanmoins des limitations : les organoïdes bronchiques ont une géométrie sphérique et non tubulaire. Du fait de cette géométrie sphérique, l’intérieur de ces organoïdes est rempli de liquide, et non d’air, comme dans le poumon. Le grand défi est donc de pouvoir générer une structure cylindrique pour que les organoïdes pulmonaires commencent à ressembler à des mini-bronches ! Pour ceci, l’équipe bordelaise a initié une collaboration avec une équipe de biophysiciens de Bordeaux, G. Recher et P. Nassoy (LP2N, université de Bordeaux), pour développer une sorte de « moule » tubulaire fabriqué avec un hydrogel grâce à un dispositif de co-extrusion. L’idée est de « forcer » les cellules à adopter une géométrie tubulaire pour s’approcher de la structure d’une bronche. Et ça marche !
Grâce à aux liens étroits entre le Centre de Recherche Cardio-Thoracique de Bordeaux et le CHU de Bordeaux, et notamment le service de chirurgie thoracique, l’équipe est capable d’extraire les cellules souches adultes humaines à partir de prélèvements bronchiques. En les introduisant dans le moule cylindrique, les chercheurs.ses ont réussi à obtenir des structures tubulaires, qui après quelques semaines, contiennent des cellules différenciées fonctionnelles. Celles-ci produisent du mucus et des cellules ciliées. Le tube est perfusable et on peut y introduire la fameuse interface air-liquide qui faisait défaut aux précédents modèles ! Enfin, grâce à l’accès direct à l’intérieur du tube, ces organoïdes ont été infectés par du rhinovirus, un déclencheur fréquent des crises des patients atteints de maladies respiratoires chroniques telles que l’asthme et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Ce modèle, que l’équipe a appelé le modèle « bronchioïde » a fait l’objet d’une première pré-publication (4).
L’équipe ne compte pas s’arrêter là : le modèle bronchioïde est en cours de complexification pour rendre mieux compte de sa composition in vivo. Des modèles 3D d’alvéoles pulmonaires (projet mené par M. Zysman) et de muscle squelettique (projet mené par P Henrot), les autres tissus touchés par la bronchopneumopathie obstructive, sont en cours de développement au laboratoire.
Pr DUPIN Isabelle
UFR des Sciences Médicales – Collège Sciences de la Santé
Centre de recherche Cardio-Thoracique de Bordeaux, INSERM U1045
Plateforme Technologique d’Innovation Biomédicale (PTIB), Hôpital Xavier Arnozan
Site internet : https://www.bronchialremodeling.com/bpco
Références
- J. Kim, B.-K. Koo, J. A. Knoblich, Human organoids: model systems for human biology and medicine. Nat Rev Mol Cell Biol 21, 571–584 (2020).
- M. Nizamoglu, M. M. Joglekar, C. R. Almeida, A.-K. L. Callerfelt, I. Dupin, O. T. Guenat, P. Henrot, L. van Os, J. Otero, L. Elowsson, R. Farre, J. K. Burgess, Innovative three-dimensional models for understanding mechanisms underlying lung diseases: powerful tools for translational research. European Respiratory Review 32 : 230042 (2023).
- A. Berical, R. E. Lee, J. Lu, M. L. Beermann, J. A. Le Suer, A. Mithal, D. Thomas, N. Ranallo, M. Peasley, A. Stuffer, K. Bukis, R. Seymour, J. Harrington, K. Coote, H. Valley, K. Hurley, P. McNally, G. Mostoslavsky, J. Mahoney, S. H. Randell, F. J. Hawkins, A multimodal iPSC platform for cystic fibrosis drug testing. Nat Commun 13, 4270 (2022).
- E. Maurat, K. Raasch, A. Leipold, P. Henrot, M. Zysman, R. Prevel, T. Trian, M. Thumerel, P. Nassoy, P. Berger, A.-E. Saliba, L. Andrique, G. Recher, I. Dupin, A novel in vitro tubular model to recapitulate features of distal airways: the bronchioid. bioRxiv [Preprint] (2023). https://doi.org/10.1101/2023.12.06.569771.
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